Bonbons, biscuits, médicaments
: sachez éviter le dioxyde de titane
- Gérard Tremblin Professeur émérite de biologie végétale, Le Mans Université
- Brigitte Moreau assistant ingénieur biologie, Le Mans Université
Déclaration d’intérêts
Les auteurs
ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent
pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et
n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.
Le dioxyde de titane est utilisé dans les sucreries,
pour leur donner un aspect brillant, mais aussi dans les médicaments, pour
rendre blancs les comprimés.
Les
contrôles sur les aliments vont être renforcés pour vérifier s’ils contiennent
l’additif E171 et ses nanoparticules de dioxyde de titane, dont les Français,
pour la plupart, ignoraient tout avant l’été. Suite aux alertes lancées par des
ONG, confirmées par les études du magazine 60 millions
de consommateurs, le
gouvernement a annoncé le 31 août davantage de tests sur la présence de ces
nanoparticules.. Ils se
traduiront, en cas de résultat positif, par la mention « Nano » sur
les étiquettes des produits. Un règlement européen impose en effet depuis 2013
la présence de cette information sur les emballages.
De quoi
parle-t-on exactement ? Le dioxyde de titane, ou TiO2, est un
sel naturel produit à partir de plusieurs minerais (anatase, ilménite, brookite
et rutile), exploités dans différents pays comme le Brésil, la Chine, le Canada
ou l’Australie. Obtenu après traitement chimique de ces minerais, il se
présente sous la forme d’une poudre blanche très fine. On le retrouve dans de
nombreux produits alimentaires comme les bonbons, les pâtisseries industrielles
ou les plats cuisinés, où il est utilisé pour donner un aspect brillant. On le
trouve aussi dans certains médicaments et dans des produits cosmétiques, où il
a une fonction d’opacifiant blanc.
Un additif classé « cancérigène possible »
Quel est le
problème ? Depuis plus de dix ans, le dioxyde de titane est suspecté par
le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) d’être un cancérigène possible pour
l’homme. Mais la
chose n’étant pas absolument démontrée, il reste, à l’heure actuelle, autorisé.
Dans les
aliments, le TiO2 peut être sous deux formes : micro ou nano
particules, le plus souvent un mélange des deux. Une nanoparticule a une
dimension comprise entre 1 et 100 nanomètres (milliardième de mètre) donc
bien inférieure à celle d’une cellule humaine.
Sur le fond,
le dioxyde de titane ne sert pas à grand-chose. Beaucoup d’industriels
reconnaissent d’ailleurs que le TiO2 ne présente aucun avantage
tangible pour le consommateur. On peut donc se demander pourquoi l’on tarde
autant à l’interdire. Son intérêt principal réside, en fait, dans son faible
coût. Cela explique que sa production atteigne plus de cinq millions de
tonnes par an à
l’échelle mondiale.
Identifier les aliments dans lesquels il est présent
Que peuvent
faire, alors, les consommateurs ? Dans l’attente d’une future
réglementation, voire d’une interdiction, mieux vaut respecter le principe de
précaution et s’abstenir de consommer du dioxyde de titane. Toute la question
est de savoir… dans quels aliments il est présent. L’ONG Agir pour
l’environnement a enquêté à ce sujet et l’a identifié dans des centaines
de bonbons, parmi lesquels les chewing-gums Malabar ou les bonbons M&M’s,
ainsi que dans 1 300 produits de consommation courante. La teneur
significative en TiO2 dans les aliments sucrés abondamment consommés
par les enfants a été confirmée par l’enquête de 60 millions de
consommateurs.
Sa présence,
indiquée par le code E171, peut se vérifier simplement
en regardant l’étiquette du produit que l’on s’apprête à acheter.
Verra-t-on
apparaître bientôt, en plus, une mention spécifique sur les emballages quand le
dioxyde de titane est présent sous forme de nanoparticules ? Tout dépendra
de la pression exercée par
le gouvernement.
Du dioxyde de titane dans les peintures
ou le dentifrice
La présence
du TiO2 dans notre environnement ne se limite pas à
l’agroalimentaire. Il est également employé comme support de pigment dans les
peintures, le papier, les plastiques, les céramiques. On le retrouve dans de
nombreux produits de cosmétologie, dont certains, comme le dentifrice, sont
d’utilisation courante. Du fait de la capacité du dioxyde de titane à absorber
les rayonnements ultraviolets, on en trouve également dans les produits
solaires.
Au niveau
pharmaceutique, enfin, la situation est encore plus préoccupante : le TiO2
est présent dans plus de 4 000 médicaments actuellement
commercialisés et abondamment prescrits. Le Doliprane, pour ne citer qu’un
exemple, en fait partie. Dans les médicaments, comme dans la plupart des autres
produits, le rôle du dioxyde de titane est essentiellement de rendre les
produits plus blancs, donc moins inquiétants pour le patient. Une fonction
esthétique, dont on pourrait se passer pour peu que les utilisateurs soit
avertis du changement.
En
attendant, on peut vérifier la présence du dioxyde de titane en lisant la
notice du médicament. On le trouve effectivement dans beaucoup de pilules de
couleur blanche. Mais il est évidemment aussi compliqué de se passer de bonbons
que de changer de médicament !
Des conséquences sur la santé à préciser
Le dioxyde
de titane peut être absorbé par voie digestive, en franchissant la paroi de
l’intestin. Il peut aussi passer par voie cutanée ou respiratoire, ce qui doit
alerter les personnels qui l’utilisent dans leur activité professionnelle.
Brigitte Moreau, co-auteur de cet article, a d’ailleurs manipulé pendant
plusieurs années de la poudre de dioxyde de titane dans un laboratoire
pharmaceutique, sans en connaître les risques – heureusement de manière
ponctuelle.
Les effets
néfastes du dioxyde de titane sur la santé restent à préciser, dans la mesure
où les nombreux essais de toxicité ont été réalisés sur des animaux. Les
résultats sont souvent difficiles à transposer à l’homme.
Inhalé, le
dioxyde de titane aurait un pouvoir inflammatoire et irritant aussi important
que celui de la silice ou de l’amiante. De récents tests
sur des rats et sur des cultures de cellules humaines ont mis en évidence une
activité inflammatoire sur les poumons et le péritoine, entre autres, et donc un possible effet
cancérogène.
Sous forme
de nanoparticules, le TiO2 peut traverser les membranes cellulaires,
et son fort pouvoir oxydant peut endommager l’ADN des cellules de façon irréversible. Du fait de
leur taille nanométrique, ces particules peuvent, via la circulation sanguine,
pénétrer dans des organes comme le foie ou le cerveau, alors que la plupart des
substances toxiques sont habituellement arrêtées par les barrières
physiologiques que constituent les épithéliums.
Ainsi, on se
retrouve dans une situation qui ressemble fort à celle que l’on a vécue avec
l’amiante. L’emploi de cette fibre n’a été interdit qu’en 1997, alors qu’on
connaissait sa dangerosité depuis plus d’un siècle et qu’elle avait été classée
comme cancérogène par le CIRC – bien tardivement – en 1973. Depuis ce scandale,
le principe de précaution a gagné ses lettres de noblesse ; le problème
posé par le dioxyde de titane est l’occasion, ou jamais, de l’appliquer.
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