L’embryogenèse
dévoile un rôle du « second cerveau »
dans la digestion
Nicolas Chevalier Chargé de recherches au CNRS,
Université Paris Diderot
L’embryogenèse
s’intéresse à l’apparition au fil du développement des structures, de
l’architecture du corps des animaux, on parle de
« morphogénèse » : comment ce rudiment de poumon va-t-il se
ramifier, une, deux, trois fois pour former un arbre cellulaire avec ses alvéoles,
qui lui donneront une large surface d’échange entre tissus et gaz
respiratoires ? Les processus à l’œuvre défient les imaginations les plus
fertiles, surtout quand on se rappelle la condition initiale : un ovule et
un spermatozoïde !
C’est en
analysant durant le développement de l’embryon l’influence de protéines
spécifiques à chaque organe, mais aussi le contexte géométrique, mécanique et
même plus récemment électrique des cellules formant chacun de ces tissus qu’on
arrive à mieux comprendre aujourd’hui les mécanismes de la formation des
organes. Ces recherches livrent un film quasi-statique, une séquence
d’événements lents (des heures, des jours, voire des semaines) que sont les
migrations, les divisions et les différenciations cellulaires.
Dynamique d’une coupe transverse vivante d’intestin de
poulet embryonnaire de neuf jours, maintenu en culture.
Une réalité qui échappe à ces coupes histologiques est
la nature active, spontanément contractile des tissus qui composent ces
organes. Tout bouge dans un embryon, tout se tortille, oscille.
Quand l’intestin apprend à
« rouler des mécaniques »
Les secrets
que recèlent ces mouvements (ou ces écoulements : de sang, de lymphe etc.)
sont ceux de l’ergogenèse : l’émergence de la fonction des organes, le
développement de leur physiologie. La nature ne s’y reprend pas par deux
fois : forme (morpho-) et fonction (ergo-) doivent naître d’une façon
cohérente, l’une aidant l’autre ou du moins ne l’entravant pas. Voyons sur un
cas concret comment cela a lieu. Nous avons découvert comment l’intestin apprend à
« rouler des mécaniques », c’est-à-dire à développer les mouvements
automatiques qui lui permettront de pomper le lait maternel dès la naissance.
Ce mouvement a une histoire, et cette histoire nous éclaire sur le
fonctionnement même de l’intestin.
Propagation d’ondes de contraction spontanées dans un
intestin de poulet embryonnaire de 8 jours. Ces ondes sont lentes :
le film est accéléré 100 fois.
Ces ondes
parcourent l’intestin en continu, à raison de quelques événements par minute, à
partir de six semaines de développement de l’embryon humain (6 jours chez
le poulet qui est l’organisme sur lequel nous réalisons nos expériences).
Nous avons
pu montrer qu’elles résultent d’un influx d’ions calcium qui se propagent de
cellule en cellule et entraîne dans leur sillage une onde de contraction
musculaire. Ces ondes calciques sont mécanosensibles, c’est-à-dire qu’on peut
les générer en exerçant de petites pressions mécaniques : cette propriété
va être mise à profit plus tard pour générer une contraction réflexe en réponse
à la pression des aliments ingérés (le bol alimentaire).
On peut
observer les mouvements digestifs sur des intestins disséqués car ils sont
intrinsèques à l’organe : ils ne requièrent pas de communication nerveuse,
cérébrale ou hormonale avec le reste de l’animal. De même que tout milieu
matériel peut propager des ondes sonores, la capacité à propager des ondes
calciques est une propriété quasi universelle des tissus animaux : on les
retrouve aussi bien dans des lits de cellules en culture que dans des
organismes tel Physarum polycephalum, le « blob ».
On voit donc qu’un mouvement de transport dans l’intestin émerge de deux
ingrédients relativement simples : un anneau de muscle contractile et des
ondes calciques.
Le « second cerveau »
Ces ondes
n’ont toutefois aucune direction privilégiée, elles se propagent autant de
l’estomac vers l’anus que l’inverse, et le système a donc besoin de
sophistications supplémentaires. Ces sophistications se mettent en place les
unes après les autres, au fil de la différenciation des cellules, ce qui nous
permet de retracer le film entier de l’apparition du réflexe. Au jour 10, des cellules
similaires aux pacemakers cardiaques vont imprimer un rythme très régulier aux
ondes musculaires. Au jour 14, une couche de muscle longitudinale apparaît et
permet de réaliser des mouvements de contractions « en accordéon ».
Ces nouveaux mouvements se superposent aux contractions circulaires de manière
désordonnée. C’est juste après l’apparition de cette seconde couche de muscle
qu’intervient le « second cerveau », le réseau de neurones de
l’intestin. Ce réseau forme un filet continu, pris en sandwich entre les deux
couches de muscle.
Chez l’humain, le système nerveux de l’intestin
comprend 100 millions de neurones (mille fois moins que dans le cerveau).
L’intestin est l’unique organe à posséder ce type d’innervation autonome,
quasiment indépendante du système nerveux central, et qui lui vaut son surnom
de « deuxième cerveau ».
Pour mettre
en évidence l’implication des neurones dans l’activité contractile, on applique
aux intestins des neurotoxines, en l’occurrence celle produite par le poisson
fugu, la tétrodotoxine.
C’est à
16 jours que nous avons pu constater les premiers effets de cette toxine
sur la dynamique de l’intestin, et donc dater le jour où le second cerveau
« s’allume ».
Quel rôle
jouent les neurones ? Tout d’abord ils calment les contractions
spontanées : en sécrétant une petite molécule, l’oxyde nitrique, ils
relaxent le muscle circulaire. Cette activité relaxante est exacerbée lorsque
le filet de neurones est déformé par une contrainte mécanique : celle-ci
peut être induite par la contraction du muscle longitudinal, l’effet net est
alors de créer un couplage (un antagonisme en l’occurrence) entre les
contractions oscillatoires des muscles longitudinaux et circulaires.
À la manière
de deux notes qui jouées ensemble forment un nouveau phénomène auditif – un
accord –, le couplage neuronal fait naître à partir des contractions des deux
muscles un nouveau type d’onde essentiel à la digestion : les ondes
péristaltiques. Les neurones mécanosensibles vont également polariser la
réponse à la pression du bol alimentaire, en inhibant une des deux ondes de
calcium générées par le muscle circulaire. Ceci a pour effet net de créer un
réflexe asymétrique de contraction en amont et de relaxation en aval du bol
alimentaire. C’est cette asymétrie neuronale qui donne une direction au
transport du bol alimentaire.
Nous
comprenons donc à présent sur la base de concepts physiques et chimiques – des
ondes, des contraintes mécaniques, des neurotransmetteurs – comment la fonction
mécanique de l’intestin apparaît au fil du développement : les mouvements
ondulatoires sont spontanés et propres au muscle, les neurones induisent un
couplage des mouvements. On pourrait dire qu’ils coordonnent, qu’ils font
office de chef d’orchestre : j’avoue faire mon possible pour éviter
d’anthropomorphiser ces cellules qui ne savent rien et n’ont d’un cerveau que
le nom que nous leur prêtons. La digestion n’en reste pas moins étonnante par
nombre d’autres aspects, chimiques et immunitaires notamment.
L’approche
embryologique que nous adoptons est très générale et permettra demain de mieux
comprendre comment advient la fonction du cœur, des poumons, des reins, du
cerveau… plusieurs groupes de recherches développent déjà des recherches riches
d’enseignement sur la mise en place de la physiologie de ces organes. Ces
résultats seront d’une grande aide pour comprendre et traiter les pathologies
qui peuvent les affecter. Elles nous enrichissent aussi sur un plan
fondamental, puisque l’histoire de l’embryon, c’est notre histoire à tous.
Commentaire de Pierre
Notre corps est un chef d’œuvre du Créateur, mais malheureusement nous subissons les conséquences de la révolte de nos ancêtres Adam et Eve contre DIEU.
Heureusement que DIEU donnera bientôt un nouveau corps parfait à tous ceux et celles qui ont mis leur confiance en Jésus Christ.
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